On faisait attention à ce qui était chassé. Comme par exemple, on ne devait pas mettre les raquettes à l’intérieur de la tente. C’était vraiment bien les activités qui se faisaient avant, quand on était dans le bois. La nourriture était bonne et maintenant, ce n’est plus pareil, c’est tellement différent. Je regrette parfois ce que c’est devenu, ce qu’on nous fait, c’était tellement beau avant.
Je m’appelle Raphaël Mollen, j’ai 80 ans. J’ai été marié et j’ai eu 5 enfants et j’ai des petits-enfants. Je ne sais pas quelles sont mes origines, les Mollen. Je sais que mon père et mon oncle Antoine arrivaient de Pakut-shipu et de Unaman-shipu. Je ne sais pas d’où venait mon grand-père Jos Mullen, un Anglais, peut-être de Tshishe-shatshit ou de Terre-Neuve. Mon père se nommait Sylvestre, quant à ma mère Marguerite, elle venait de Mingan. Je suis né au Lac Manitou proche de Mingan. J’avais 12 frères et sœurs.
Nous allions souvent à l’intérieur des terres, c’est seulement après mon mariage que je suis resté proche de Mingan. J’allais à l’intérieur des terres avec mon père, mon grand-père Mishtikushish et mon grand-père Tamienish. Nous chassions le castor et le caribou. Lorsque les lacs et rivières commençaient à dégeler, nous retournions vers la côte. Une fois, au retour, nous avons ainsi croisé notre grand-père Nolin et Joseph, nous avons mangé avec eux : de la viande de caribou, de la viande séchée et de la graisse de caribou. Nous avons par la suite repris le chemin du retour.
On devait travailler très fort tout le temps, tout le monde travaillait fort. Et moi, maintenant cela fait presque sept ans que je ne peux plus rien faire, rester assis, manger, seulement cela. Avant quand j’étais à l’intérieur des terres, ce n’était pas ainsi, je me promenais beaucoup dans le territoire, j’allais très loin. Il faisait nuit noire quand je rentrais parfois. Et je n’ai jamais senti la présence de quelqu’un. Une fois, je suis tombé en bas d’une falaise parce qu’il faisait très noir, j’étais avec mon frère aîné Michel, on rentrait chacun à son campement. On ne voyait rien tellement, il fait noir.
Je ne me suis pas rendu jusqu’à Tshishe-shatshit mais je n’étais pas loin de là. Il y avait un magasin de Mishta-Napeu proche de là, on allait y chercher de la nourriture, c’est de là que nous avons rebroussé chemin. Tous les portages qu’il y a proche de Mingan, je les ai tous fait à pied.
Elle n’a jamais vu faire la tente tremblante, mais son premier mari Pierre l’a vu lui. On n’utilisait que la peau de caribou pour envelopper la tente tremblante. Maintenant, il n’y a plus que les joueurs de tambour.
J’ai un de mes petits-enfants qui ne parle que le français. Moi, ma grand-mère ne me parlait qu’innu. Dans le temps, nous ne voyions pas de gens qui parlaient le français. Nous écoutions beaucoup ce que notre grand-mère disait.
C’est un aîné qui faisait les prières, c’est lui qui était appelé lors d’une naissance, lui qui bénissait l’enfant et lui donnait le nom de Marie ou de Joseph. C’est toujours ainsi que cela se passait.
Il y avait souvent un aîné dans le groupe qui guidait et qui était d’une aide précieuse au campement, il faisait la chasse. Mon grand-père tuait le lièvre avec un piège. La peau de lièvre nous servait pour nous couvrir lorsque nous avions froid. Pour sa part, ma grand-mère nous cousait nos habits.
Il faut dire aux jeunes les choses importantes qu’ils doivent savoir s’il se passe quelque chose : famine, maladie. On ébranchait des arbres qu’on plantait par la suite d’une certaine manière, c’était des signes qui étaient laissés, des messages pour qu’on sache ce qui se passait, ce qu’ils avaient.
L’éducation des enfants est différente maintenant, on ne leur enseigne plus rien : de ne pas manquer de respect, de ne pas frapper quelqu’un, alors qu’avant on écoutait beaucoup nos parents nous dire ce que nous devions faire.
C’est après le décès de ses grands-parents qu’elle retourne à Nutashkuan. Elle a traversé plusieurs épreuves difficiles dont la perte d’un bébé. Elle dit avoir rencontré l’ennui, la peine mais qu’avec l’aide de ses proches, elle a passé à travers.
C’est le père et la mère qui s’occupaient de marier leurs enfants. Le prêtre était là qu’une fois par année là-bas à Musquaro. Maintenant, ce n’est plus pareil, cela n’a plus la même importance. Il arrive que des personnes soient des parents proches et forment un couple. Il y a un prêtre mais de moins en moins de gens prient.
Nous étions partis dans le bois avec ma grand-mère Nenikutesh. Nous n’avions rien à manger, nous souffrions de la faim. Les enfants qui étaient là dans ce temps-là sont presque tous décédés maintenant. Puis, plusieurs caribous sont tués, une centaine. Nous avons beaucoup de nourriture, car nous étions sept tentes. Nous retournions tranquillement vers la mer. J’aimais beaucoup ma vie dans le bois, tout ce que nous faisions dans le temps.
J’ai entendu parler des personnages furtifs de l’intérieur des terres, mais je n’ai jamais eu de contact avec eux. Il arrive dès fois que tu ressentes des choses, c’est un signe qu’il arrivera quelque chose, tout peut être ressenti. Quand tu entends des choses c’est qu’il arrivera quelque chose. C’est sa capacité de chasse dit-on d’un chasseur, qui l’informe sur le futur, ce n'est pas la magie, la sorcellerie.
Souvent tout ce qui était tué était partagé au reste du groupe et aussi on s’entraidait comme lorsque quelqu’un était malade. Les Innus partaient plustôt à l’intérieur des terres quand ils n’avaient plus rien à manger sur la Côte. Quand quelqu’un tuait quelque chose, il en avait suffisamment pour tout le groupe. On partageait tout.
À l’intérieur des terres, on apprenait beaucoup, la femme était importante. On pouvait tout faire à l’intérieur des terres : la couture, la cueillette des petits fruits, la fabrication de mocassin. Tout était utilisé, par exemple quand on fabriquait des mocassins on utilisait le muscle dorsal du caribou, on faisait sécher les filaments et cela servait de fil à coudre.
Le chien est l’un des animaux qui ressent des choses dit-on, il jappe quand il sent le gibier pour que son maître puisse le tuer. Comme dans une légende que nous racontait mon grand-père : Un loup voulait l’humain soit son maître, il voulait faire le chien, alors le chien lui dit quand tu auras faim, tu voudras le manger ton maître alors que moi, s’il meurt c’est à l’endroit même de sa mort que je vais mourir.
Les jeunes sont très contents d’apprendre la culture. Ils sont à l’écoute quand on leur explique comment nettoyer le gibier. On leur enseigne comment ils vont chasser, il faut faire attention à la façon de faire les choses. Il faut très attention au chasseur, à comment seront ses habits de chasse. C’est tellement différent de nos jours.
Je fais des médicaments quand j’ai les plantes qu’il faut. Maintenant que je suis âgée, je ne peux plus faire autant. Il faudrait que les enfants puissent apprendre. Ils ne connaissent rien, ce serait une bonne chose de leur enseigner. Il faudrait que les plus jeunes apprennent comment aider à l’accouchement, plusieurs aînées avaient cette compétence, il aurait fallu transmettre ces connaissances.
Son mari avait tué plusieurs gibiers, elle lui dit alors d’aller en donner à sa mère. Il refuse d'y aller, dit-elle. Alors elle lui dit, tu ne manqueras jamais de rien (le matériel), ce qui va te manquer en premier c’est ta chasse. Lorsqu’il est tombé malade, il se rappelait de ces paroles, comme tu m’avais dit Marie-Ange! C’est ce qui arrive, il ne chassait plus. Elle l'encourage, lui disant qu'il va retourner un jour chasser comme au bon vieux temps.
Les garçons sont très fiers d’aller à l’intérieur des terres, ils aiment beaucoup quand ils sont dans le bois. Même si c’est proche, pas très loin, ils se sentent déjà bien là. Il faut prendre soin des enfants, des jeunes, pour qu’ils ne pensent pas qu’à faire le mal.
L’enfant comprend bien quand on lui parle, quand on lui dit quelque chose. Il faut leur apprendre à se respecter. Il faut que nous, les parents, fassions attention à leur enseigner les bonnes valeurs à nos enfants.
Il faut parler à ses enfants pour qu’ils comprennent le bon sens. Même si nous aimons très fort nos enfants, il faut leur interdire surtout quand ils ne font pas le bien. C’est l’alcool et la drogue qui ne sont pas bons. On faisait attention aux enfants dans le temps, il fallait que les enfants aient assez à manger. Il y avait de l’entraide quand des familles vivaient des difficultés. C'était ainsi que cela se passait dans le temps.